Récit de la course : Le Grand Raid du Mercantour 2009, par Papy

L'auteur : Papy

La course : Le Grand Raid du Mercantour

Date : 20/6/2009

Lieu : St Martin Vesubie (Alpes-Maritimes)

Affichage : 3693 vues

Distance : 104km

Objectif : Pas d'objectif

25 commentaires

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Cela aurait pu être "Mercantour mon amour" , mais... :-(

Je vous assure que cet éditeur de Kikourou, j'aimerais bien lui faire la peau ! arf...
Cékan que tu en prends un standard, mon cher Boeuf que les bugs à répétition existent moins ?
30' de perdues, pffff...

Du coup je fais juste un copier/coller de mon message chez les Zanimoss, 42kms.com

 

Rajout Quelques temps plus tard, enquète non terminée... 

...Cela ne m'empèche pas d'avoir toujours, plusieurs semaine après, une pensée pour les 3 morts de cet Ultra Trail.

Je suis d'autant plus choqué, qu'ils étaient aguerris et que si j'avais été à leur place, je ne m'en serais pas sorti non plus.

Je compare cet accident avec ceux des navigateurs au long court.

L'accident qui, quoi que l'on fasse, vous fera passer de l'autre coté. 

Bien entendu je ne disserterais pas plus sur les circonstances, l'enquète n'est pas close.

Mais cela tourne dans ma (notre) tête... 

Pour le débat... Je m'abstiendrais ici, vu mon comportement durant cette course.

Il y aurait pu y avoir toutes les sécurités possibles,

s'il m'était arrivé quelque chose de plus grave, l'organisation,

a moins de moyens hors normes, n'aurait rien pu faire.

 

J'ai quelques photos MMS :

Col de Veillos rav 1 Boréon rav 2 Cascade Mercantour 900 D- genou out !

visible en plus grand => http://img530.imageshack.us/gal.php?g=img00058u.jpg

Ancien CR = http://lewebdupapy.free.fr/200506-mercantour/index.html

To: 42kms@yahoogroupes.fr
Subject: [42kms] Cela aurait pu être "Mercantour mon amour"
 , mais... :-(




Salut les Zanimoss...

Nous avons tous été touché, certains encore plus
que d'autres, par le drame de ce WE.
Devant mon désaroi je ne peux qu'imaginer ce que
ressentent les proches et la famille des
disparus, en particulier le copain des Bomolés et des Toutous.

Mon téléphone (que j'ai perdu à Aix) a chauffé
plus que de raison ce WE lorsque mes proches
affolés ont appris par les médias la nouvelle.

J'ai pu les rassurer rapidement, mais
difficilement comprendre ce qui s'est passé.

J'aurais, durant l'été, a supporter les
commentaires des "sédentaires" qui habituellement
me traitaient de fou, mais qui maintenant,
sérieux, vont se faire du souci à chaque sortie.

J'ai fait un peu ce CR pour exorciser, même si
mon trouble est bien minime par rapports aux proches des victimes.

Voilà, mes amitiés à tous, voici les c*nneries du Papy, brut de fonderie.

L'Papy_pas_encore_remis...

PS : Merci à tous les Zanimoss de leur présence,
je n'étais pas vraiment dans mon assiette bien
avant le drame. Je n'arrivais pas à maitriser mes
éruptions d'hyperactivités et donc j'étais un peu
ailleurs. Je m'en excuse et vous remercie d'avoir été là !

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Bonjour,

J'avais décidé de faire un léger CR puis, devant
ma déconvenue, de ne rien faire du tout.

Aujourd'hui je décide d'y revenir car suite aux
évènements, je me sens "non pas responsable"
mais je crois avoir atteint une limite dans un
type d'insouciance de la course à pied
que je transmet dans certains de mes écrits.

Je suis le "roi" du non-spécifique et du plaisir
de multiplier les courses à l'envie.
Venant de la course sur route au début des années
80 (Marseille-Aix/Marseille-Cassis), j'ai
évolué sur toutes les distances, terrains et
multisports pour aujourd'hui avoir pratiqué
ou fait pratiquer, tout ou presque qui comporte de la course à pied.

C'est la seconde fois que je me fracasse sur le
mur de la montagne, j'ai atteint une limite.
Bien entendu, chacun à ses limites et si je
faisais de la rando régulièrement, je n'aurais
pas de souci. Mais dans ce genre de course nous
avons tous, à des degrés divers, un problème
d'égo qui nous fait faire des actions absurdes.
Autant sur une course sur route les conséquences sont souvent négligeable,
autant en haute montagne il faut raison garder.

Dans cette course, à un moment, je me suis maudit
comme il y a longtemps que je ne l'ai pas fait.
Aujourd'hui, à la lueur des évènements, je prends
cela comme un avertissement sans frais
et un gage de sauf conduit sur les "chambrages"
que je pourrais prendre si d'aventure je
refais des "abandons raisonnés" !

Les sentiments exprimés dans ce récit ne tiennent pas compte du drame.
C'était exactement ce que je ressentais à ces
instants, notamment lors des moments
de douleurs importantes.

Je vous laisse lire...

********************************

Nous sommes fin mars début avril et je suis dans
une période sportive euphorique.

Une belle place dans les 40 à l'écotrail,
quelques courses faites en dedans bien finie,
je me sens des ailes pour aller enfin taquiner le grand blanc en 2010.
Pour cela il me faut des points.
Comme j'ai couru avec le dossard du Castor Junior
à Paris, je n'ai encore pas de point.
Je cherche donc des trails de montagne.

Je tombe sur l'excellent trail du Canigou du 27
juin, 86kms pour 5400D+, et je prends contact.
Accueil très sympa, parcours attirant, je suis prêt de m'inscrire.
Je suis ennuyé car le même jour je suis bénévole
à la balade pétillante et gourmande des
coteaux sud champenois et c'est dur de ne pas y
aller. Mais j'ai envi, enfin, d'aller faire
ce tour à Chamonix dont j'ai loupé de peu la première édition.

Notre Zami Tartarin (L'TDB), nous signale que le
Mercantour remet quelques dossard en ligne.
Je regarde la date, mon sang ne fait qu'un tour,
je me précipite et obtient le précieux
sésame. Je pourrais cumuler montagne et champagne sans Canigou !
Merci au Trailer Des Bois !

J'ai une sacré revanche à prendre avec cette course excellement organisé par
Maitre Fadini. (Aidé par le non moins bon "Samouraï" !)
J'y ai explosé, en 2005, au relais des
merveilles... 50 kms et un retour en voiture en
compagnie de Miss Pao(*), pour être le premier sous la douche !

J'étais parti, à l'époque, comme pour un trail de
60kms, avec l'envi de faire une bonne place.
Grosse leçon d'humilité que je me plais à me
rappeler et fort de l'expérience de l'ecotrail,
ou je suis parti dernier, je suis persuadé que l'on ne m'y reprendra pas !

A ce titre, il serait intéressant que je relise
mes propres CR car en le survolant
aujourd'hui,
http://lewebdupapy.free.fr/200506-mercantour/index.html, je me rends
compte que j'ai fait quelques erreurs identiques
à 4 ans d'intervalle, quel c*n !

*******************************

Nous voici donc arrivé en ce vendredi 19 juin
2009 ou en compagnie de la Troll et
de son mari Joël nous arrivons sur le site.
Remise des dossards, rencontre du Sproll et
occupation de la chambre. Ce n'est pas
trop loin de l'arrivée, nous pourrons facilement y descendre une fois la boucle
faites.

Cette année je me DOIS de finir le tour ne serait
que pour tuer le démon de 2005,
même si, pour cela, je le fais en marchant, jouant avec les barrières horaires.

Je partirais derrière, tranquille et on verra bien...

La conférence de Guillaume Millet est sympa, même
si je trouve un peu tendancieuce
sa conclusion sur sa réaction mentale dans une
course, oubliant totalement de relever
quelle fut son alimentation dans les moments cruciaux.
Je retrouve beaucoup de thèmes que je développe
même si ce n'est pas avec la même
terminologie. Il est heureux qu'il parle au sujet
de la fatigue nerveuse, problématique
bien souvent ignorée sur laquelle nous
travaillons depuis les années 80 sous un
vocable cher à St Serge, la résistance nerveuse (et les sucres nerveux).
Koko (Coline Peirano, UFO) intervient sur les
apports alimentaires puis nous filons
au restaurant.

Pas de bol, alors que la Troll avait bien précisé
"des pates", nous voila avec "du riz".
Finalement ce n'est pas plus mal, nous n'aurons
pas le risque de l'hypoglycémie réactionnelle
du au pates trop cuites.

Un dodo, un réveil, un p'tit dej' en compagnie de
l'équipe de Nicolas DARMAILLACQ (dont un
Poulet de 1ère catégorie), et nous voici au départ de la course.
Il fait bon, je partirais donc en short et en
manches courtes avec des manchettes cyclistes
et un buff.
J'ai mon Gore Bike dans mon sac ainsi qu'une
casquette polaire. Un manche longue ainsi
qu'une puissante lampe seront avec mon
ravitaillement à la Madone, au 40 et 68ème km.

La météo n'est pas réjouissante, et il y a de la
pluie en prévision. J'espère ne pas avoir
de neige et pense finir avant la nuit, même si
les barrières horaires sont au lendemain 10h.

Je pars cool et je verrais après...

Je salue tout le monde de JLW à Joe One, en
passant par Lyne, je vais taquiner mon ami
le Samouraï et file avec les Zanimoss... L'Dingo
est speed, le Troll serein, la Souris
accorte, le Chacal cool et... Mon salopiot de
Festnoz est venu nous faire la surprise.

Heureusement qu'il est là car le Papy, dans une
éruption d'hyperactivité mal maitrisé, commence
à avoir une tendinite du poignet à vouloir réglé
ses batons, laissé en l'état depuis 2005.
Ceux ci ne fonctionnent pas et je panique un
brin... En spécialiste de la montagne, il me
démonte le baton, jette un oeil expert, 3
réglages et zou, le Papy a son baton !
Ceci ne sera que l'un des symptomes d'une
hyperactivité qui me "bouffe" depuis une semaine
et dont j'espérais la maitrise comme à
l'Ecotrail. Apparemment, ce n'est pas le cas.

J'ai vraiment grand plaisir a revoir ces
Zanimoss. Je ne m'attarderais pas sur les souvenirs
qui remontent car le départ va être donné, mais
que le temps passe vite. 4 ans déjà que
j'ai vu ces Zanimoss ici, 4ans... Pffffuuiiiit...

A cette époque nous avions eu droit à une
vérification de sacs et il me souvient avoir oublié
ma couverture de survie. Grace au Festnoz dont
j'avais discrètement subtilisé le "précieux"
pour le controle, je suis passé, mais quid du froid si j'avais été coincé ?
Cette année, j'ai tout, mais pas de controle, en
effet le Samouraï m'explique qu'ils manquent
de bénévole pour assurer cela dans les temps et
que la plupart sont sur les chemins pour passer
un Week End en altitude.

Le départ, à 980m d'altitude, est donné et je tente de rentrer dans ma bulle.
Mais celle ci est trop petite...
Dès les premiers metres je suis laché par les
Zanimoss, je me mets des oeillères et court à
mon rythme. J'ai l'impression tortuesque de me trainer.
Je me fais doubler par des bolides dont je me demande la destination ?

J'ai même un coureur dont le sac ballote en
frottant sur la peau nue au dessus d'un short
qui tombe. Des souvenirs de départs de course
avec des "touristes" similaires qui finissent en sang
me remonte à l'esprit, mais foin de mes conseils,
je ne dirais rien à ce coureur, je reste
dans ma bulle.

Je rattrappe les Zanimoss ?
Evidemment, le Troll vient de se manger un ilot directionnel.
Heureusement, plus de peur que de mal. Ils repartent vite devant.

Je passe Joël, marchant... Il vient de se rendre
compte qu'il partait trop vite et vient
de passer en mode économie salvatrice. Il espère
16h ou, au pire, rentrer avant la nuit.
Le Sproll est parti vite, il espère 16h aussi,
voire 14h30', on verra bien, moi même j'ai l'espoir
du 16h... Mais vu l'explosion de 2005, je me répète de courir cooooooool...

Cela fait 3 kms que nous courrons et je ne me
fait plus doubler. Au contraire, mon rythme
pachydermique semble se transformer en gazelle.
Ceux qui m'avaient doublé commencent à souffler.
Pire, lorsque nous attaquons les chemins, alors
que je pensais etre au fond du peloton, en me
retournant je vois autant de lumières que devant.
Il va me falloir me raisonner même si ceux sont les autres qui ont ralenti...

Je suis cool, tranquille, mais je vais faire une erreur de jugement.
Il est clair que je m'ennuie en marchant dans les
bosses lorsque je suis en forme et j'ai du
mal à ne pas doubler... Mon hyperactivité me fait
sortir de la course et régulièrement je
sors de la coourse, vagabonde ailleurs et accélère en doublant des concurrents.

Je me reprend régulièrement, mais lorsque je le
fais, je négative un peu et m'ennuie de
nouveau. Si j'avais relu mon CR de 2005, j'aurais
vu que la même chose m'était déjà arrivé
et que j'aurais du m'y préparer.

Nous arrivons au sommet de la Colmiane, à 1710m,
et je me répète de me préserver dans la descente.
Euréka, les batons me soulagent bien et je
descends (trop?) vite sans perdre de place.

J'ai quand même toujours ce sentiment négatif que
je ne fais pas ce qu'il faut avec l'ennui
ferme qui vient avec. J'ai vraiment beaucoup de
mal à rentrer dans la course. La descente s'arrète
à 1325m et nous remontons sur Veillos et le col de Barn.

Je continue à remonter malgré ma constance à
tenter de me raisonner. J'ai toujours des sautes
de concentrations qui me font accélérer et pire, qui me font courir en apnée !
Je commence à avoir des rots et tente de régulariser ma respiration.
Tout va bien, je vais bien, mais je suis inquiet.

Me voilà au ravitaillement de Millefont et
j'aperçois le Troll remuant sa poche à eau.
Cela me surprend agréablement puis,
rétrospectivement, avec angoisse car je croyais etre
parti lentement. Ce n'est pas le cas et comme en
2005, j'ai fait une grosse remontée !
Je prends donc tout mon temps a ce
ravitaillement, mange, bois, m'habille car le vent
devient froid, met ma casquette chaude. Il me
souvient etre resté 9' malgré l'appel
du Troll à le suivre rapidement.

Je ne veux pas reproduire mes erreurs du passé alors je repars cool. Cool ?
Je tente déjà de repasser ceux que j'avais
précédemment doublé, ce qui est nul et
je vole sur le col de Barn, à 2452m, comme en 2005. Pourquoi ?

C'est quand même magnifique, les passages neigeux
ne sont pas "trop" dangereux, mais
je n'aimerais pas me casser la figure, un os ou
me fouler la cheville. Les secours
seraient loin. On ne peut avoir le beurre de la
sécurité avec l'argent du beurre du
plaisir de ces coins sauvages ou l'accession se gagne dans l'effort.

Nous attaquons la descente et j'ai en point de
mire mon Troll. J'ai du donc pas mal
ramoner dans la "bagarre" avec ce V3 italien qui fini 54ème...
Je tente de reprendre les rênes et de me détendre le ventre.
Ma respiration par le haut du corps et mon apnée me "ballonise".

Je me sers donc de mes batons pour amortir et pour laisser passer les avions.
Parmi ceux ci un Festnoz d'enfer, qui paiera
surement ses facéties plus tard, qui
tente un provocation papyesque, mais le vioc' ne réagit pas.

En effet, même si tout va bien, j'ai toujours ce sentiment négatif que ce n'est
pas le bon jour et que je vais exploser. Mon mal
être s'exprime lorsqu'à la fin de
la descente, à 1842m, je ne remonte qu'en
marchant, là ou je courrais il y a 4 ans.
Nous remontons au col de Salèse à plus de 2000m.

Le paysage est toujours magnifique et je retrouve mes souvenirs. Toute cette
descente avait été un immense plaisir à faire en
2005 avec le Troll. Ce parcours
dans les bois, bucolique à souhait me redonne les mêmes sensations de plaisir.
Mais aussi, les mêmes destructions de muscles. J'ai beau avoir le légendaire
WERNER SCHWEIZER avec moi je sens que je me délite.

Zéro spécifique ???
1000 kms de vélo seulement ?
Cela ne me soucie pas ?

Je sens que mes ambitions vont être revues à la baisse et je décide que lorsque
nous serons sur le goudron, je réduirais la vitesse et commencerais à réfléchir
pour finir le moins cassé possible cette superbe balade !
Le soleil étant de la partie pourquoi se priver ???

Nous voilà sur le goudron lorsqu'une grosse
douleur apparait sur le dessus du genou !
Aïe, ouille, qu'est ce que c'est que cette nouveauté ?
J'avais bien peur qu'avec un amalgame dentaire
mal fignolé, je risquais une tendinite
de compensation, mais là... J'ai comme un doute
sur une possible déchirure comme
au 24h de Gravigny en 2000 (Cf le Roman des Zanimoss)
Les pensées négatives reviennent, je tente de suivre les 3 corses, mais abdique
vite et me voilà au Boréon, à moins de 1500m d'altitude,
en moins de 5h, j'enlève mon sac, et décide d'y bivouaquer.

Je prends largement mon temps puisque j'ai commis l'irréparable de me détruire
musculairement très rapidement. J'espère encore
rallier l'arrivée, le doute n'est pas permis,
alors je m'étire, m'alimente et tente de rassembler mes pensées.
Pas facile devant l'étendue des dégats, mais, à ce moment là, ce n'est que mon
égo qui est touché, et si je rallie l'arrivée, je serais quand même content !

Je repars après 15' de maladresses, de vidage de
poche, de mélanges dans la stratégie
et dans le sentiment avéré que mes mouvements ne sont pas bien coordonnés.
Les premiers mêtres sont douloureux puis
rapidement, dans la montée, je redeviens
performant.
Je remonte de nouveau, toujours en apnée(Grrrrr),
et me fait plaisir en longeant
la grosse cascade.

Je vois le pas des ladres se dessiner et je sers
de poisson pilote à un groupe qui
suit mes traces. Je sens au fur et à mesure que
cela lache derrière, mais j'ai un bon
rythme et je grimpe bien. Fini le sentiment d'ennui du matin, je m'éclate enfin
dans cette magnifique montée. J'emmène la 3ème
féminine à ce moment là (qui finira 4ème).

Un léger coup de mou dans le final, que je résous
par 2 pauses de 30", relachement total,
et me voilà au sommet, à 2448m, avec une vue ensoleillée magnifique.

C'est donc plein d'entrain que je tente de
descendre, d'abord avec la corde, puis sans,
cette pente enneigée...

C'est LA CATA !!!!
Le genou droit est hyper douloureux et mes
muscles ont bien du mal à me tenir droit
sous la douleur. Les passages neigeux sont une
torture et je vois passer un à un, sans
un regard, les petits gars et filles qui m'avaient suivis.
Même lorsque je glisse en tombant pour avancer,
je perds un baton qui m'oblige à
remonter le chercher sur 50 bons mêtres !
Quel andouille...

Plus nous avançons sur la Madone, moins je vais
vite. Les derniers lacets sont terribles
et je manque de pleurer de douleur. C'est fini,
je m'arrèterais en bas, c'est trop dur,
tant pis pour mon égo, il supportera les
chambrages bien à propos de mes Zamis...

Me voilà à la Madone à 1880m d'altitude, avec la
ferme intention de m'y arréter.
Je suis dégouté car malgré l'expérience, je vais faire pire qu'il y a 4 ans.
Il est beau le Papy qui donne des conseils et des fois des "leçons" à tout le
monde et qui ne sait même pas faire 40kms en haute montagne.
La leçon d'humilité qu'implique ce genre de renoncement commence et tourne
en boucle dans ma tête pendant que je réapprovisionne mon sac et change
mes vetements.

Je prends le temps de me restaurer et, avant
d'abandonner, je file aux toilettes.
Aux toilettes ???
Enfin... Dehors, en sortant par l'escalier... Et, O surprise ? Je descend celui
ci "presque" sans douleur. Mais alors, je peux, "peut être", finir avant les
barrières horaires si j'y vais cool ?

Bingo, le petit coq de mon égo, qui semblait bien ratatiné, redresse sa crête
et pousse son cocorico bien ridicule en ce moment.
Je remonte chercher mon sac et au lieu de rendre mon dossard, je file attaquer
bille en tête, la Baisse des 5 lacs.

Qu'est ce que je me sens bien... Je monte
gaillardement, laisse sur place tous les
compagnons de route et m'éclate jusqu'à 2320m...

C'est génial, je prends mon pied et même si je dois descendre lentement,
ce n'est pas grave, je rentrerais...

LENTEMENT ? Mais quel abruti, j'ai fait à ce moment... Ce n'est pas lentement
que je commence à descendre jusqu'à la borne 364 à 2150m, c'est pire....
Je ne descends pas, je sautille péniblement sur 1 jambe.

Plus je descends, plus je hurle intérieurement de douleur. Je crois de plus en
plus à une douleur de déchirure, et je commence à maudire ce stupide coq qui
s'est réveillé en moi.
En effet, arrivant proche du carrefour pour remonter à la baisse de Pral, je
cherche un moyen de mettre un terme à cette torture et je me retrouve comme
un couillon, LOIN de tout !
Je n'ai pas de mots pour qualifier mon imprudence. Heureusement que le temps
n'a pas trop tourné et que la pluie annoncée n'est pas arrivée. Mais
que le sentiment de solitude est énorme lorsque l'on se retrouve face à
sa bétise immense.

Je coupe à gauche pour grimper à la baisse de Pral et la montée me rassérène
un peu, mais j'ai peur. Déjà, en 2005, la descente sur la Gordolasque avec
les cuisses détruites avait été un calvaire. Mais aujourd'hui celle ci ne
sont pas aussi massacrées, mais j'ai horriblement mal au genou droit !

Je repasse de nouveau les petits pelotons qui
m'avaient doublés dans la descente.
Je note des interrogations dans les regards.
Je ne peux pas leur expliquer mes tourments, alors je supporte les regards
désapprobateurs. PLus vite je serais au sommmet à 2340m, plus vite je me
rapprocherais de ce relais des merveilles ou je pourrais abandonner...

Si j'y arrive un jour... Pfffffffff...

Me voilà au sommet ou la peur m'envahie. J'ai des
frissons en regardant les 900m
de D- qui m'attendent. J'hésite, laisse passer les pelotons interloqués par mon
attitude et tente un premier pas... ??????

Ce n'est pas gagné, la douleur est de plus en plus vive et même en me servant
des batons comme béquilles, je souffre.
Je tente plusieurs positions, pour moins souffrir et n'arriverais à trouver
celle de la marche oblique que vers la fin.
J'ai la hanche qui commence à se déglinguer et des douleurs de compensation
un peu de partout.

Je mettrais 2h30' d'apnée pour arriver en dessous des 1500m d'altitude.
Je verrais passer des dizaines de coureurs proposant leur aide, mais devant
l'inutilité de l'action, m'encourageant et prévenant le ravitaillement.

Chaque pas m'a douleureusement rappelé à ma vanité personnelle.
Pourquoi suis je coincé ici, à la limite de ramper, au lieu d'être
tranquillement en train de rentrer me doucher sur Saint Martin ?

J'ai eu le temps de refaire mon parcours et de chercher des arguties pour
mes proches (parents ou amis) qui ne comprennent pas toujours mes sorties,
mes courses ultra, 100kms, 24h ou Ironman.
Ils n'arrètent pas de me lancer de "laisser cela aux jeunes" et je sens
que dans les fêtes de familles de cet été, le couplet va être de nouveau
servi après cette descente d'enfer.

Pour couronner mon moral "au beau fixe", comme si je n'avais pas été assez puni
de mon impudence, la pluie, la neige puis la grêle sont venus agrémenter
mon chemin de croix.
J'ai rapidement été trempé car même si mon vetement de pluie était performant
et me maintenait au chaud, j'avais laissé ma casquette polaire à la Madone
et mon Buff dégoulinait...

Merci la montagne, j'espère que mon égo aura enfin compris le message !

Me voilà au plus bas, dans la vallée de la Gordolasque et nous remontons
vers le relais des merveilles. De nouveau je rattrappe du monde, evidemment,
en montée je n'ai pas mal.

D'ailleurs, en arrivant au relais des merveilles, je suis accueillis
par le secouriste qui avait été prévenu. Il me regarde dubitatif devant
ma vitesse d'arrivée et il me faut descendre au camion pour qu'il comprenne
l'étendue des dégats.

Je me restaure et patiente. J'ai mis 10h et des brouettes pour arriver ici,
à 1560m d'altitude, cela sera ma fin, comme en 2005. A ce moment je ne pense
qu'aux conséquences de ma stupidité. Si c'est une déchirure, comment vais je
récupérer pour faire le Triathlon de l'Alpes d'Huez ???
Quel va etre mon handicap dans la vie de tous les jours ?

Heureusement le Bulot arrive et me tire de mes mauvaises pensées. Son compagnon
arrètera devant les intempéries, mais le Bulot continuera et finira !

La Troll arrive a sont tour. Elle a fière allure et ne semble pas atteinte par
les dénivellées avalés ! Il n'y a que ses genoux brulées par une descente dans
la neige, qui font un peu peur, mais sa foulée
est magnifique pour le kilométrage.

Je patienterais une bonne heure avant d'être rappatrié, de me soigner avec un
pansement d'alcool et de voir le médecin qui me diagnostiquera une
tendinite d'insertion. C'est pourquoi je fais le lien avec l'amalgame dentaire
car j'ai quelques cas de tendinite ou fracture de fatigue corrigé par un rajout
ou une réduction d'amalgame pour un bon engrènement.

J'ai vu presque tout le monde arriver, peu d'abandon, le Sproll a explosé ses
ambitions avec une 9ème place et quelques 13h, Joël rentre juste avant la nuit
avec une grosse banane comme sourire, la Souris fait un temps d'enfer pas loin
de Werner et du Troll, accompagné d'un Festnoz déclinant (et toc !).
La Troll fini aux alentours de minuit, nous
signalant une fin de parcours des plus
difficile au vu des conditions météo. Elle a la même banane que Joël mais
file rapidement se doucher puis se coucher.

L'Dingo, le Chacal, JLW et Lyn s'arrèteront à la
Madone s'évitant les conditions météos
responsable du drame qu'ont connus nos 3
camarades qui était tout sauf des novices,
des inconscients ou des non-avertis.

Je n'attendrais pas plus tard que minuit trente, me dirigeant vers mon lit avec
délices, suite à cette longue journée...

Au réveil, après les habituelles discussions post courses et la convivialité
de nos échanges c'est au moment de quitter la zone de départ que je vais
embrasser le Samouraï.

Celui ci entre 2 sanglots m'annonce le drame et
le sol se dérobe sous nos pieds.

Je disserterais peu sur ce malheur, des débats ont lieu, des reflexions
sont en cours et l'enquète avance.
Nous sommes évidemment choqués que 3 camarades nous quittent durant ce trail du
Mercantour. Les circonstances comme la qualité des disparus empèche de penser
à une erreur d'organisation. Plutôt à une
conjonction malheureuse de faits redoutables
en montagne.

Celle ci, comme la mer, avale régulièrement
certains de ses aventuriers et parmi les
plus connus ou expérimentés.
Je ne vois pas ce que l'organisation aurait pu
faire de plus pour éviter ce drame.
Il y a toujours à améliorer, mais la limite est
vite atteinte face à la prédominance
de dame nature et aussi face à la témérité vaniteuse de "l'homme"...

J'en veux pour preuve ma course qui aurait bien
pu très mal se terminer avant le
relais des merveilles alors que je milite pour l'abandon raisonné, quelque soit
la qualité de l'organisation !

Les organisateurs sont bien evidemment très
touchés et j'espère qu'ils se relèveront.
La bande à Fadini a été formidable tout le week
end et je sais qu'ils sont abattus
bien au delà de ce que l'on peut imaginer.

La Montagne est toujours la plus forte...

Pour en revenir à une conclusion plus
personnelle, autant je peux venir sur un trail
de 60kms avec 3000D+ très insouciant avec Zero
spécifique, autant sur un ultra de
haute montagne, il faut un minimum. La légèreté peut se payer très cher...
Au minimum un bon kilométrage vélo vous permettra de tenir musculairement.
Mais ce ne sont pas des coursettes au saucisson que l'on peut décider de faire
au lever du lit, sur une idée saugrenue !

Je ne crois pas, dans l'immédiat, que je referais un ultra de montagne.
Avec Zéro spécifique et 1000kms de vélo, j'ai touché mes limites.
Pas cardiaque, car je n'ai aucun souci, mais musculaire...

J'ai également atteint, je l'espère ma limite dans l'égo mal placé.
Après l'écotrail, je voulais l'UTMB 2010...
C'est fini, je range pour l'instant les courses
de montagne au rayon des chimères !

Pour terminer, il serait intéressant que je
relise mes CRs et intègre aussi MES propres
conclusions. C'est bien de donner des conseils, c'est mieux de les suivre !

L'Papy_pas_encore_bien_réalisé...

(*) Le monde est petit et cruel...
Miss Pao et son mari Gé Lébomolé était des amis de l'une
des victimes de ce WE au Mercantour..

 

http://minilien.fr/a0jhpm


"Zoo, la ménagerie libre de la course à pieds et + si affinitées...."

25 commentaires

Commentaire de LtBlueb posté le 25-06-2009 à 16:36:00

je l'aime bien ton CR mon papy ; tu as bien fait de l'écrire, tu as choisi les mots qu'il fallait dans ces circonstances et quelques jours seulement après ce drame ... merci à toi

Commentaire de rapace74 posté le 25-06-2009 à 17:43:00

je n'ai pas l'honneur de connaitre le papy de kikourou mais merci pour ce CR , magnifiquement bien ecrit
manu

Commentaire de Bon_bé_Ya+K posté le 25-06-2009 à 18:53:00

Franchement un CR touchant plein de bon sens... Je crois que y a rien d'autre à rajouter.

Commentaire de loicm posté le 25-06-2009 à 19:33:00

Ca fait deja bien longtemps que je lis tes CR, tous aussi insctructifs et raisonnée. Celui ci ne déroge pas à la règle de tes récits, l'emotion en plus.
Certes tu as fait des erreurs que énumères toi même, mais une fois de plus ton expérience va servir à des petits scarabés dont je fais partie.
Chapeau Papy !

LoicM_OuisticraM

Commentaire de Goldenick posté le 25-06-2009 à 19:55:00

Merci pour tes conseils L'Papy! Tres beau CR, tres juste!

Commentaire de Jerome_I posté le 25-06-2009 à 20:25:00

merci pour ton récit...

Jérome

Commentaire de taz28 posté le 25-06-2009 à 22:04:00

Ton récit est emprunt d'humilité et de lucidité aussi...
La montagne est indomptable, et nous en avons tous bien pris conscience....
Merci pour ces lignes à la fois si réalistes et si touchantes !!

Soigne toi bien mon Papy

Tazounette

Commentaire de JLW posté le 25-06-2009 à 23:24:00

Merci pour ton récit complet et très détaillé.
Je voudrai aussi te remercier pour tes conseils d'alimentation qui ont grandement contribué à ma réussite puisque j'ai pu finir contrairement à ce que tu indiques dans ton récit ... Encore merci le Papy.

Commentaire de TomTrailRunner posté le 26-06-2009 à 09:24:00

Un CR qui monte et qui descend comme l’égo oscille entre sagesse et insolence et le physique entre douleurs et plénitude.

Merci de cet enseignement

Et t’en fais pas, la campagne aussi est belle :-)

Commentaire de _azerty posté le 26-06-2009 à 14:42:00

Beau Cr Philippe.

Ton aventure me rappelle mon GRR et mes interrogations.

Aujourd'hui encore, je me demande parfois si j'ai eu raison d'être plus fort que "le petit coq" ...je ne le saurai jamais.

Pourtant aujourd'hui, je suis tout aussi heureux d'avoir ce petit goût d'inachevé, et de savoir qu'un jour peut-être, l'envie se réveillera ...

Soigne toi bien

A bientôt
Domi

Commentaire de Le Bulot posté le 26-06-2009 à 14:49:00

merci

c'est un tres beau CR, je suis contant de t'avoir vu et je suis heureux de voir que tu as su mater ton ego.

le bulot

Commentaire de nono_la_robote07 posté le 26-06-2009 à 14:53:00

Merci pour ce superbe cr et ce retour d'expérience dont nous devrions tous garder les mots en mémoire.
Caro

Commentaire de Joe One posté le 26-06-2009 à 15:30:00

Bon rétablissement à toi .... et à bientôt sur les chemins du sud-est.....

Commentaire de shunga posté le 26-06-2009 à 15:48:00

remets-toi bien.

Commentaire de Sprolls posté le 26-06-2009 à 16:23:00

Merci pour ton CR Papy et pour les bons moments passés là-bas avant le drame.
A la lecture de ton récit, je suis convaincu que tu aurais fini sans cette déchirure. On se dit toujours que ce n'est pas facile de terminer une telle course mais cette course nous a décidément rappelé que ce n'est pas facile non plus de renoncer quand on est passionné...

Sprolls

Commentaire de troll posté le 26-06-2009 à 16:29:00

Très réaliste et plein de bons sens ! égal à toi papy que j'ai eu l'honneur de rencontrer ce WE, WE qui n'aurait du nous laisser que de bons souvenirs, hélas la montagne en a décidé autrement
Je pense que nous avons tous tiré un enseignement de ce drame, enfin je l'espère

à bientôt

Commentaire de Sac d'os posté le 26-06-2009 à 17:54:00

Dans un contexte très particulier, un récit écrit de main de Maître, empreint de respect, d’humilité, de lucidité, d’émotion, de joies, de peines et de souffrances, qui tient le lecteur en haleine, avec des phases montantes et descendantes comme dans une symphonie.

Nul doute que tu sauras gérer le coq qui sommeille en toi pour de projeter vers de nouveaux horizons.

Merci Papy et bravo champion.

Commentaire de germaine posté le 26-06-2009 à 18:10:00

Merci pour ton récit et bravo pour votre courage à tous ceux qui ont pu rédiger tout de même un CR malgré les circonstances ...je crois que moi je n'aurais pas pu .......merci pour ton humilité qui nous en apprend beaucoup sur le fait que ce n'est pas parce qu'on accumule l'expérience et le savoir qu'on ne commet plus des erreurs. Je prends ça pour une leçon en ce qui me concerne : toujours se remettre en question et demeurer vigilant...
soigne-toi bien

Commentaire de Astro(phytum) posté le 26-06-2009 à 21:29:00


Merci Papy de nous faire partager cette expérience

Commentaire de Astro(phytum) posté le 26-06-2009 à 21:37:00


oups la suite !

Pas facile d'écrire je pense ,vu les conditions particulières de ce raid exigeant et tragique cette année.

Merci encore pour ton analyse qui font réfléchir !!

Astro

Commentaire de jymm posté le 26-06-2009 à 23:45:00

belle preuve d'humilité malgré tout ...des erreurs certes mais derrière il y a une réflexion ....tu nous montres que l'apprentissage de soi est une affaire de tout les jours ,et qu'on en a jamais fini ...

Commentaire de Sac d'os posté le 27-06-2009 à 08:41:00

J'avais oublié de te dire Papy. Je suis aussi un adepte de l'abandon réfléchi. Il n'y a aucune honte à cela.

Commentaire de Papy posté le 27-06-2009 à 11:57:00

Merci de vos commentaires, je vous repondrais personellement dans quelques jours...

The show must go on, comme le chanta si bien Freddy Mercury, condamné, devant ses fans, mais que tourner la page est difficile... Alors pour les proches de nos amis disparus...

J'ai toujours écrits vouloir "mourir en course". c'est très égoïste... Il faudrait y préparer les proches, pas évident...

Bonne continuation à tous !

Commentaire de Linette06 posté le 30-06-2009 à 20:11:00

Hello Papy,
J'espère que tu te remettras vite! Quand je t'ai vu au Relais des Merveilles j'étais vraiment désolée pour toi...
Ne renonce pas au courses de montagne, il faut juste se préparer un peu plus au déniv mais c'est faisable!
C'était bien agréable de rencontrer tous les Kikourous sur cette course.
A bientôt j'espère :))
Line.

Commentaire de gastéropode posté le 14-09-2009 à 23:14:00

Bravo pour ton émotion, ta lucidité et ton humilité, et merci encore de partager ton expérience et de nous aider à nous situer par avance. Je suis comme toi un adepte du "non spécifique" (c'est une question de disponibilité) mais je pense également qu'on touche dans ce cas plus vite nos limites.
C'est bien d'être conscient que l'ultra comporte quand même une part de risque qu'il faut peser au lieu de n'être soumis qu'à notre orgueil.

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