OliveM

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Poil à Gratter pour démanger

mercredi 2 juin 2010

Nice 2010 : le carnaval de la Françafrique

Les 1er et 2 mai, on a eu droit au sommet « France-Afrique » dans cette belle ville de Nice, bien connue pour son carnaval. Un choix sans doute très symbolique, pour de telles festivités…

Ahhhh… ces sommets surannés « France-Afrique »… Ces séquelles de la « Coloniale »… ça fleure bon les stigmates du post-colonialisme à la française ! C'est en effet le propre de ce genre de festivités où l'on a d'un côté  la France (60 millions d'âmes), de l’autre une cinquantaine de pays, soit une bonne part du continent Africain (des centaines de millions d'habitants). Et ces autorités françaises qui claironnent vouloir "traiter d'égal à égal". Cherchez l'erreur...

Des autorités françaises qui appellent ces festivités "Sommet France- 
Afrique", donc. Comment ne pas plutôt penser, évidemment au vocable "Françafrique", plus proche sans doute de la réalité que ce qui est affiché en façade par le personnel diplomatique « officiel »… Une Françafrique qui épisodiquement défraie la chronique depuis des lustres…  A ce chapitre, ce ne sont d’ailleurs pas les jeux de mot qui manquent. Des esprits malins parleront par exemple aussi de "France à Fric", bien entendu. Un peu comme on parlait parfois de "Centre à fric" à la fin de seventies, au sujet de la Centrafrique (RCA), durant la période où Son Excellence VGE allait chasser le buffle et  le diamant en Oubangui-Chari, en compagnie de son ami et Altesse Impériale JB.Bokassa…

Nice 2010, donc : seul rendez-vous bilatéral prévue par Sarko : l’invitation de Jacob Zuma, président Sud-Africain, dans un restaurant de luxe niçois. Commentaire en coulisses : "Essentiellement pour discuter de football", à l’aube de la Coupe du Monde qui se profile. A l'heure où il n'y a jamais eu autant de sidaïques en Afrique Noire (y compris en Afrique du Sud), à l'heure où il n'y a jamais eu autant de malnutrition en Afrique Noire, à l'heure où la proportion de gens sous le seuil de la pauvreté n'a jamais été aussi élevée... et à l'heure où les  dépenses de l'aide française au développement n'ont jamais été aussi faible en % du PIB : 0,28 point de PIB en 2009, contre les 0,5 préconisés par les instances européennes (…). 

A l’heure où nous assistons à un recul des acquis démocratiques en Mauritanie, au Niger, à Madagascar, en Centrafrique, tandis qu’au Congo Brazzaville, au Cameroun et au Tchad les vieilles dictatures sont confortées. Quatre coups d’état en moins de sept mois. Sans parler  du merdier ambiant au Darfour et en Somalie. Sans parler des bons vieux régimes inoxydables depuis de longues années sous couvert de mascarade électorale, bien souvent suite à un putsch. Comme par exemple au Burkina où cette chère crapule de Compaore (à l’aise, Blaise !) est toujours en place, 23 ans après avoir dégommé et fait zigouiller Thomas Sankara. Sans parler des situations de népotisme filial et monarchique, assez en vogue actuellement comme le prouvent les cas du Gabon, de Togo et du Sénégal (...). Appui implicite français du fiston Eyadema au Togo, appui implicite français du fils Bongo au Gabon… on attend avec impatience les commentaires de l’Elysée et du Quai d’Orsay le jour de l’accession du fils Wade au Sénégal !  Tout ça ne semble pas perturber outre mesure ni la diplomatie française en général, ni la diplomatie françafricaine plus ou moins souterraine en particulier. Il est vrai que Monsieur Sarkozy n'est sans doute pas très choqué par le népotisme père/fils, lui qui joua strictement la même carte à l’échelon franco-français, en tentant de parachuter son jeune fiston Jeannot au sommet de l'Epad, alors qu'un étudiant lambda en seconde année de Droit serait bien en mal de dénicher un simple stage d'été dans une entreprise de la Défense...

Dans la même veine : quatorze chefs d'état seront conviés en Juillet à l'Elysée pour un diner qualifié par la cellule élyséenne de "diner entre amis". Amis... Du pré carré, bien entendu. 

Mais la cerise sur le gâteau, ce sera évidemment la parade des militaires de ces 13 pays Africains sur les Champs Elysées le 14 juillet prochain, aux côtés de l'Armée française. Symbolique à la fois symptomatique et dérisoire. Imagerie rétrograde qui nous ramène 50 ans en arrière. Une confusion des genres entre fête nationale du pays colonisateur et commémoration des indépendances des pays colonisés qui fait fi de l’histoire de l'émancipation des peuples. Des Nkrumah, Olympio, Sankara, Lumumba - et un même un Gandhi - peuvent se retourner dans leur tombe en entendant ça. Et le pire, bien entendu, c'est que 13 des 14 gouvernants en question répondront présent à ces festivités et à ces âneries entre militaires de tous poils. Ces frasques en disent long sur le conditionnement des esprits et sur la non-évolution des modes de gouvernance en Afrique Noire...

Les histoires de « France en Afrique » avaient évidemment donné lieu durant la campagne présidentielle de 2007 à quelques boniments du bonimenteur de service. Histoire de meubler un peu au rayon "bonnes intentions". Le sieur Sarkozy se gaussait alors d'intentionner en finir avec les vieux démons de la Françafrique. Las, chose prévisible : c’était du pipeau. Le désormais « célèbre » discours de Dakar 2007 qu’il commit dans la foulée suffit à nous faire revenir sur terre (à supposer même qu’on n’ait jamais décollé !). Avec un morceau de bravoure du genre (extrait) : « L'homme africain n'est pas assez entré dans l'histoire ».  
Sans commentaire (…)

Ceci étant, LA nouveauté de ce sommet France-Afriques 2010 à Nice, c’est la patronne française des patrons français, Laurence Parisot (Medef), conviée pour démarcher et tenter d'enrayer les pertes de part de marché des boites française sur le sol africain, étant donné les croupières qu'on se fait tailler depuis une bonne quinzaine d’années par les pays émergeants comme la Chine, l’Inde ou le Brésil... Le tout accompagnée d’une bonne centaine de patrons français. La meilleure illustration de l'état d'esprit des VRP français gouvernementaux et para-gouvernementaux, c’est ce bon mot commis récemment par notre ministre Borloo : "L'Afrique est notre Eldorado !". Voilà qui a au moins le mérite d'être clair ! Il est simplement dommage que ce ne soit pas  notre secrétaire d'État à la "Coopération" en personne, Alain Joyandet, qui nous ait gratifié de cette douce métaphore !   Et dire que Sarko déclarait, en 2006 :  "Économiquement, la France n'a pas besoin de l'Afrique"...  Trois ans plus tard, ça donne ça, en clôture de ces fameuses festoyances niçoises : « L’échec de l’Afrique serait un désastre pour l’Europe ». Non sans profiter de l’occase pour tenter, une fois de plus (nouvelle marotte en Sarkozie), de se faire aimablement passer pour le « Sauveur de l’Europe ». Et non sans vanter les « ressources considérables de l’Afrique », ses « réserves de croissance », au point d’en faire « le continent le plus attractif du XXI-ème siècle ». Sic. Un retournemxnt de veste éloquent, en moins de trois ans (...). Pendant ce temps-là, les kadors économiques français de la Françafrique  se font eux-mêmes une guerre de tranchée pour tirer du mieux possible les marrons du feu, comme c'est par exemple le cas entre Bolloré d'un côté et Dupuydauby/Bouygues de l'autre, ici pour le contrôle de la logistique maritime du pays-de-la-dynastie-des-bongos : y'a bon Gabon !!! 

En revanche, durant ces festivités franco-africaines, il n'aura été question ni de bonne gouvernance, ni de droits de l'homme, ni de corruption à "haut niveau", ni de dictatures, ni de coups d'État, ni de justice internationale. Évitons les sujets qui fâchent. Cachez-moi ce sein que je ne saurais voir. La politique de l'autruche ou la mort, nous vaincrons ! Huit ans après sa création, la Cour Pénale Internationale (C.P. I) n'a toujours pas tenu la moindre audience en terre Africaine... 
Le journal Le Monde disait en première page, le 3 juin dernier : "Dans sa distribution de compliments (...), Nicolas n'a poublié personne : ni les militaires putschistes, ni potentats corrompus, ni les fils de président mal élus, ni les satrapes pourchassant opposants et journalistes. (...) A Nice, des expressions comme "élections volées", "corruption", "captation des rochesses" ont été bannies. Restait une sorte d'Afrique enchantée, celles des "amis" de Nicolas Sarkozy".

Et un demi-siècle plus tard, en Afrique francophone on en est toujours au franc CFA. "CFA" comme "Colonies Française d'Afrique". Là où les pays anglophones, dont les meilleurs résultats économiques sont avérés, disposent quant à eux de leur propre monnaie depuis des lustres...

Tout au plus peut-on concéder à Sarko un ton légèrement moins paternaliste que son prédécesseur Chirac. Et tout au plus peut-on observer, sans doute seule bonne nouvelle, que la tendance est à la réduction de nos effectifs militaires en Afrique, même si les économies qui en résultent sur le budget de la Défense sont sans doute un facteur assez déterminant. Ahhhh…ces bonnes vieilles bases de Dakar, de Libreville, d’Abidjan, de Djibouti, de Bangui ou de Fort Lamy (ndlr – Ndjamena en langage colonial)... tout fout le camp (militaire) !!!

Il faut dire que tout ce cirque est à recadrer par rapport aux tendances lourdes du post-colonialisme, elles-mêmes issues de la façon dont ces pays accédèrent à leur soit disant « indépendance » au début des années 60. 

Un demi-siècle plus tard, on en est rendu en réalité à une sorte de néo-post-colonialisme teintée de néo-Françafrique sauce vaguement néo-libérale. Une France réduite aux acquêts,  ces contrats commerciaux qui, en fait, sont le seul réel soucis du VRP Sarkozy en terre Africaine. Avec en filigrane la primauté persistante d’une diplomatie parallèle franco-africaine, celle des réseaux et de l'occulte : on est ainsi passé de l’ère Foccard sous De Gaulle, Pompidou et Giscard  à l’ère Guy Penne sous Mitterrand (avec comme sous-fifre le fils à Tonton, JC.Mitterrand, alias « Papa m’a dit ») pour en arriver à l’ère Bourgi, Guéant et autre Parant en terres de Sarkozie. Un JP. Cot trop gênant qui se fait virer sous Mitterrand… un JM.Bockel qui se fait également virer sous Sarko... Et tout récemment le cas du dénommé Bruno Joubert, en réalité viré de la cellule "Afrique" de l'Elysée par la « néo-Françafrique » versus Sarkozie, sur injonction de Bongo-le-fils, lequel tire pour ainsi dire les ficelles de la diplomatie française en Afrique depuis qu’il est arrivé aux manettes, à l’instar de son indétrônable paternel. On avait reproché au dénommé Joubert d'avoir osé rencontrer des opposants à la dynastie Bongo. En clair on lui avait reproché d'être moins partisan que l'actuel secrétaire d'état à la coopération A.Joyandet et, pire encore, d'être moins partisan que  
les actuels conseillers de Sarko aux affaires africaines : les dénommés R.Bourgi, Cl.Guéant et autre A.Parent.

Je me souviens du passage de F.Mitterrand au Burkina-Faso en 1986. Je m’en suis toujours voulu de n’avoir pas été là ce soit-là à l’Ambassade de France à Ouagadougou, moi qui stationnais au Faso à ce moment-là. Sans doute étais-je parti faire une balade en brousse sur la Ténéré de l’époque… Un passage qui resta dans les annales, compte tenu de la manière dont Thomas Sankara se permit d’asticoter Tonton sur le thème du post-colonialisme, thème qui lui était si cher. Le tout sur un ton dont ce cher Tonton reconnut aussitôt qu’il en était « dérangeant ». Ces images ont d’ailleurs été rediffusées tout récemment sur FR3, à l’occasion d’un documentaire dédié aux glorieux voyages présidentiels sous la V-ième  République, de De Gaulle à Chirac. Un Thomas Sankara qui se fit dégommer 18 mois plus tard, avec à la clé un silence français assez assourdissant, que chacun aura interprété comme il l’entend (…).

On a beaucoup raillé les 116.500 € qu’on coûté le déplacement en jet privé de notre secrétaire d’état à la « Coopération » parti porter la bonne parole en Caraïbes au sujet d’Haïti. 
Mais cette fois-là, en 1986, quand Tonton se pointa au Burkina (l'un des pays les plus pauvres du monde, plus encore à l'époque qu'aujourd'hui), l’aimable délégation française au grand complet se posa à Ouagadougou… en Concorde (…)

Le temps passe, et rien ne change. Pour la France, l'histoire de l'Afrique (néo)-postcoloniale est une sorte de long fleuve tranquille...


Olivier Montel,
natif de Centrafrique,
ex-coopérant au Burkina
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Diffusion :  Secrét. d'État à la Coopération (+web), ministre des affaires étrangères (+web), Elysée, conseillers en Sarkozie aux "affaires" africaines (MM. Guéant, Bourgi, Parant…), crapule UMP Patrick Balkani, UMP, chef de meute parlementaires UMP JF.Coppé (+web), porte-baratins UMP F.Lefèbvre et D.Paillé (webs), groupe parlementaire UMP (web), Matignon (web), Laurence Parisot (Medef, blog), Parti Socialiste (web), le Point, l'Express, Libération (web), Le Monde, Le Monde Mag, Marianne, le NouvelObs, l'Humanité (web), journal Jeune Afrique, le Bigaro, le Bigaro Magazine, Présidence du Burkina-Faso, Présidence de RCA (web), Ambassade de RCA à Paris, Ambassade du Burkina à Paris, Ambassade de France au Burkina
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