Des "monnaies alternatives" pour consommer autrement et solidaire

  • L'Abeille, monnaie complémentaire du Lot-et-Garonne, se présente sous forme de bons d'achat.
    L'Abeille, monnaie complémentaire du Lot-et-Garonne, se présente sous forme de bons d'achat. Photo DDM, Joël Faure
Publié le
Jérôme Schrepf

Après le troc et le groupement d'acheteurs, voici la monnaie complémentaire. Une monnaie utilisable localement et qui permet à l'argent de rester sur place, sans alimenter la spéculation.

En matière d'économie sociale et solidaire, les idées et les initiatives ne datent pas d'hier. On connaît les Sel, pour Systèmes d'échanges locaux, basés sur le troc : une heure de peinture contre deux heures de bricolage. Il y a les Amap aussi comme Association pour le maintien d'une agriculture paysanne : des consommateurs se regroupent pour payer, à l'avance, une partie de sa production à un agriculteur local, qui en échange, livre chaque semaine des légumes de saison.

Mais un pas a été franchi chez les « alter éco » : des monnaies complémentaires circulent désormais, parallèlement à l'euro. Un mécanisme notamment développé en France par des gens comme Patrick Viveret, sociologue, essayiste, ex-conseiller du premier ministre Jospin. Nommées Abeille, comme l'expérience menée depuis janvier par une asso citoyenne à Villeneuve-sur-Lot (lire ci-dessous), ou Sol, comme solidaire, présente dans le Nord, en Bretagne, en Ile-de-France, en Alsace, en Rhône Alpes, en France Comté, et d'ici quelques jours à Toulouse.

But de la manœuvre ? Canaliser l'argent pour le réinjecter dans l'économie locale. « 97 % des échanges financiers dans le monde sont basés sur la spéculation et 3 % seulement sur l'économie réelle », assène Patrick Figeac, un des papas de l'Abeille. « En se réappropriant la monnaie, on agit concrètement, efficacement et localement ».

Ces monnaies, convertibles en euros, sont utilisables dans des commerces ou entreprises de réseaux bien identifiés, soucieux de développement durable. Pour ceux qui s'en inquiéteraient, elles n'échappent pas au fisc puisque les montants échangés en monnaies complémentaires sont retranscrits en euros dans les bilans comptables.

En Midi-Pyrénées, l'idée fait son chemin depuis quelques années déjà. L'une des têtes pensantes du réseau Sol, c'est Frédéric Bosqué, un chef d'entreprise montalbanais, qui depuis 2006, expérimente avec 70 familles tarn-et-garonnaises les groupements d'achat, au sein d'une association baptisée Katao. « Il ne s'agit pas de se passer de l'euro : on en a besoin. Il s'agit de contraindre l'économie à se relocaliser. »


Violette et Chasselas

En Midi-Pyrénées, Toulouse fait figure de pionnière. La ville lancera en effet début janvier, un Sol-Violette à travers un réseau d'une trentaine d'entreprises et d'une centaine de familles. Une partie de la monnaie achetée par la municipalité sera versée aux plus défavorisés via les aides sociales. Elle permettra de payer, au sein du réseau, les transports en commun, l'accès à la culture, à une alimentation saine, à des services de proximité. À Montauban une association lancera le Sol-Chasselas dans les mois qui viennent.


La phrase

« La monnaie est un bulletin de vote » Frédéric Bosqué, chef d'entreprise, membre de l'association Katao et du mouvement Sol.


Le chiffre : 1 500

solistes > En France. On estime qu'actuellement il y aurait environ 1 500 à 2000 personnes dans sept régions utilisant de manière régulière le Sol comme monnaie complémentaire pour régler leurs achats. Leur nombre devrait beaucoup augmenter en 2011 et 2012.


Cette Abeille qui buzze dans toute la France

Francine Brossier, la boulangère de la rue de Pujols, à Villeneuve-sur-Lot, tend à son client un petit sac en papier plein de mini-viennoiseries et annonce : « ça vous fera trois Abeilles ! ». Le dialogue, surréaliste pour le visiteur de passage, est devenu habituel dans la bastide lot-et-garonnaise, depuis un peu moins d'un an qu'elle s'est transformée en véritable laboratoire économique grandeur nature.

Ici, en effet, depuis le 23 janvier, on peut à la fois payer en euros, partout, et en Abeilles dans un réseau de 43 entreprises et commerces adhérents de l'association à l'initiative de l'expérience, « Agir pour le vivant ». À la différence du SOL, autre monnaie complémentaire, en vigueur dans sept régions en France, l'Abeille, elle, n'est échangeable que dans le Villeneuvois. « L'idée, c'est de se réapproprier la monnaie » pose Patrick Figeac, coprésident d'Agir pour le vivant. « Et surtout de garder l'argent dans l'économie locale. La monnaie complémentaire permet d'échanger des biens sans remettre l'argent dans un système bancaire qui vit de la spéculation. »

Le taux de change est simplissime : une Abeille vaut un euro. En changeant 50 €, on obtient donc 50 Abeilles à dépenser dans le réseau des 43 entreprises et commerces du villevenois : chez le boulanger, la coiffeuse, à la coopérative bio, chez le marchand de viande porcine, l'homéopathe, le photographe, le vigneron ou le vendeur de vêtements, etc.

Tous ont signé une charte certifiant qu'ils polluent peu et s'engagent à s'approvisionner le plus localement possible. Quant aux 50 € changés dans un des cinq comptoirs d'échange de la ville, ils vont, eux, sur le compte de la Nef, coopérative de finances solidaires, hébergée au Crédit Coopératif . « L'argent sert à octroyer des prêts pour financer des projets éthiques », détaille Françoise Lenoble, l'autre coprésident d'Agir pour le vivant. « Pour l'instant il s'agit de projets dans toute la France. L'objectif, à plus long terme, serait de parvenir à financer des projets locaux ».

Après près d'un an d'existence, une soixantaine d'adhérents butinent le réseau local dans lequel 7 000 Abeilles sont en circulation. Mais déjà, certains innovent, à l'image d'Henri Ricard, propriétaire de la Biocoop, qui distribue, en cette fin d'année, près de 1 000 € sous forme de chèques cadeaux en Abeilles à ses employés : « Ils consommeront local. »

Lui évalue les échanges en Abeilles au sein de son entreprise autour de 10 à 15 % de son chiffre d'affaires : « Environ 100 000€. Avec certains partenaires, on ne traite plus qu'en Abeilles. » Le député maire de Villeneuve, Jérôme Cahuzac (PS), lui, soutient l'initiative. Un projet est en cours qui pourrait aboutir à un partenariat avec la mairie : une partie des aides sociales en faveur des plus défavorisés pourrait être versée sous forme d'Abeilles.

Le laboratoire villeneuvois, lui, est observé et en passe d'être copié. Des monnaies locales devraient éclore à Nanterre, Annemasse, Nantes, Pézenas, en Ariège dans les mois qui viennent. Avant la tenue, en octobre 2011 des premières assises nationales des monnaies complémentaires… à Villeneuve-sur-Lot !

J. Sch.


Une éducation populaire

Frédéric Bosqué, 46 ans, membre de Katao et du mouvement Sol.

Comment êtes-vous entré dans l'économie solidaire ?

On était un petit groupe et on voulait agir concrètement, sur notre environnement immédiat. On a constitué des groupes de consomm'acteurs, on a choisi des prod'acteurs, respectueux de l'homme et de la nature, et on a créé une association en Tarn-et-Garonne, Katao. À l'intérieur, une partie des échanges est transformée en Sol : 50 % sous forme de pouvoir d'achat en Sol, utilisable dans le réseau mais aussi ailleurs en France où le Sol a cours.

Est-ce que ça ne touche pas seulement des militants ?

Au début oui. Mais petit à petit, les monnaies complémentaires gagnent du terrain. Les utilisateurs de Sol, qu'on appelle les Solistes, sont environ 1 500 ou 2 000 actuellement. C'est peu bien sûr. Mais il s'agit d'un travail d'éducation populaire, au sens littéral du terme. Il y a un vrai moyen d'action politique dans l'usage qu'on fait de son argent.

C'est-à-dire ?

En choisissant des prod'acteurs respectueux de l'homme et de la nature, en choisissant de leur acheter à eux et pas à d'autres des produits, alors on permet à ces réseaux, soucieux du développement durable, de grandir. La monnaie, c'est un bulletin de vote !

Recuilli par J.Sch.

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Les commentaires (2)
columbo Il y a 13 années Le 23/12/2010 à 13:31

C'est un système honteux. J'appelle ça du parasitisme.
Je m'explique: ce système, qui n'est autre que du "black" déguisé sous un discours pseudo-ecolo, permet à ces gens de s'affranchir du paiement des taxes (TVA,..etc), impôts (impôt sur le revenu, ..etc) et côtisations diverses (URSSAF, ..etc) qui servent à financer nos structures publiques et sociales.

Ils ne participent donc pas aux financements publics.

Par contre, ils profitent "à fond" et gratuitement de toutes les structures publiques financées par les pauvres couillons (salariés et entreprises) qui travaillent en étant déclarés.

Quelques exemples:

1/ quand ces gens-là prennent leur voiture, qui finance l'entretien de la route sur laquelle ils roulent ? Le département et la région. Et avec quel argent ? Avec celui des pauvres idiots qui bossent en étant déclarés et qui paient leurs impôts (Impôts sur le revenu, TVA ..etc)

2/ quand ces gens-là tombent malades, qui finance leurs soin ? La sécu. Et avec quel argent ? Avec les cotisations payées par ces pauvres couillons de salariés et d'entreprises qui sont déclarés.

3/ quand ces gens-là envoient leurs enfants à l'école, qui finance leur éducation? La commune, le département, la région et l'état. Et avec quel argent ? Avec les impôts payés par les pauvres nigauds qui bossent en étant déclarés et qui s'acquittent de leurs impôts.

En français, un être vivant qui vit aux dépens des autres, ça porte un nom: UN PARASITE !!

Ils ne mériteraient qu'une chose: un bon contrôle fiscal et URSSAF avec redressement à la clef.

Ils verront alors si l'Etat accepte d'être payé avec leurs billets de Monopoly...

Il y a 13 années Le 23/12/2010 à 10:37

Fin de la France unie et solidaire
Et tout le monde veut avoir des services publics performants et de qualité...mais qui va payer les charges sociales, les enseignants, les employés de mairie, l'entretien des routes, EDF, La poste, etc...
Le SEL, c'est peut être bien, mais qu'on le veuille ou pas c'est une forme de travail au noir qui prend le travail aux artisans.
L'Amap c'est différend puisqu'on achète directement au producteur lequel "honore" les commandes et paie ses taxes.
Reste à analyser les conséquences du Sol et de ce dernier substitut de la monnaie officielle sur lequel il n'y aurait pas de paiement de charges.
Après la décentralisation va-t-on vers une régionalisation monétaire.
Chacun n'aura qu'à parler sa langue régionale et pourquoi pas ne pas créer une pièce d'identité régionale tant qu'à faire et renoncer à l'identité Française.