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Comment un salarié chinois de Caddie a dépecé son employeur

EXCLUSIF Le PDG d'Altia, propriétaire du leader mondial des chariots de supermarchés, révèle à Challenges l'incroyable escroquerie dont il a été la victime.

 

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Patrice Durand, PDG d'Altia
Patrice Durand, PDG d'Altia, le groupe propriétaire de la marque Caddie.
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Quelle est la nature précise de la fraude dont est victime Caddie en Chine ?

Patrice Durand. Caddie est une marque déposée dans 70 pays et distribuée dans 250. Nous disposons d’une usine en Chine qui assure près de 15% de notre production mondiale. Or depuis plusieurs mois, notre manager local, qui dirige notre usine, Franck Jiang, a entrepris de construire une usine à seulement quelques kilomètres de la nôtre.

Comment l’avez-vous découvert ?

Lorsque notre groupe Altia a repris la marque Caddie au Tribunal de commerce en juillet dernier, nous avons lancé une série d’audit. En Chine, le cabinet d’audit nous a alertés sur un certain nombre d’irrégularités. Nous avons dépêché une équipe sur place et avons embauché un cabinet de détectives et avons découvert l’ampleur des dégâts.

C’est-à-dire ?

Franck Jiang ainsi que d’autres managers sont en train de construire une usine de chariots en détournant la marque Caddie qui figure déjà sur les panneaux de présentation de l’usine installée devant le chantier. Mais la fraude va beaucoup plus loin encore puisque nous avons constaté que certains de nos fournisseurs étaient en fait la propriété du manager de l’usine. Pis, la même personne a monté tout un système de sociétés écrans qui achètent nos chariots sans marge ou à marge négative et les revend à des clients locaux. Il s’agit purement et simplement de détournements de contrats.

A quel stade de construction en est l’usine ?

Pour l’heure, elle sort de terre. Des murs sont construits. Mais pour aller plus vite encore, les fraudeurs nous ont détournés de la matière première qui sert à la confection des chariots comme de l’acier en fil ou des pièces de plastique et métalliques que nous avons retrouvé stockées dans des entrepôts. Des machines à souder ont même été volées.

Avez-vous estimé le montant du préjudice ?

Il s’élève, au stade actuel de nos investigations, à plusieurs millions d’euros. Pour l’heure, tous les contrats de nos grands clients européens comme Carrefour ou Auchan ne sont pas concernés. En revanche, beaucoup de nos clients locaux ont été récupérés par ce manager chinois. Ce dernier a été licencié mais il refuse toujours de quitter les lieux. Nous avons engagé une société de sécurité mais il a procédé de la même façon et la situation est pour le moins tendue.

Qu’avez-vous fait ?

Nous avons déposé deux plaintes assorties d’une procédure en référé la semaine dernière. Une à l’équivalent du tribunal de commerce de Shanghai, l’autre au pénal pour détournement commercial et de la propriété intellectuelle. Fort des conclusions de nos détectives et sur les conseils de nos avocats nous avons également immédiatement saisi en février dernier les ambassadeurs des deux pays. Avec l’appui de la mission économique de l’ambassade de France en Chine nous avons alerté Bercy et notamment le cabinet de Nicole Bricq qui nous a reçu.

Qu’attendez-vous des politiques ?

Nous comptons beaucoup sur le déplacement de François Hollande à la fin du mois en Chine pour accélérer le règlement de ce dossier. Nous devrions avoir des premiers retours de la procédure judiciaire dès la semaine prochaine. C’est un dossier très symptomatique des relations commerciales que peuvent vivre des PME occidentales en Chine. A la différence du conflit entre Danone et Wahaha, cette fois, il ne s’agit pas d’un partenaire mais d’un salarié de l’entreprise d’une filiale qui nous appartient à 100%.

 

 

 

 

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