2 juillet 2010 - La prise de statines pour prévenir les maladies du coeur chez les personnes à risque pourrait s'avérer inutile.
C'est ce que révèlent des chercheurs britanniques qui ont scruté les résultats de 11 essais cliniques menés de 1970 à 2009 auprès de 65 229 hommes et femmes ne souffrant pas de maladie cardiaque, à qui on avait prescrit des statines, une famille de médicaments pour abaisser le mauvais cholestérol dans le sang.
S'ils n'avaient jamais reçu de diagnostic de maladie cardiovasculaire, les participants présentaient néanmoins des facteurs de risque à cet égard : tabagisme, excès de poids, manque d'exercice, diabète, etc. C'est pourquoi ils ont pris des statines ou un placebo, durant une moyenne de 3,7 années.
Résultats : la réduction des taux de cholestérol observée chez les participants traités aux statines n'a pas entraîné de réduction notable des décès survenus durant les essais, comparativement à ceux qui ont pris un placebo.
En effet, les taux de mortalité, toutes causes confondues, ont été semblables au sein des 2 groupes : 1 447 personnes sont mortes parmi les 32 606 qui prenaient un placebo, contre 1 346 parmi les 32 623 qui prenaient des statines.
Prévenir autrement qu'avec des médicaments
Dr Martin Juneau
Ces résultats n'étonnent pas le cardiologue Martin Juneau, directeur de la prévention à l'Institut de Cardiologie de Montréal et professeur à la Faculté de médecine de l'Université de Montréal.
« Sur le terrain clinique, on voyait que les bienfaits des statines en prévention primaire étaient modestes, dit-il. Ce qui a un impact réel sur le risque de maladies du coeur, c'est l'arrêt du tabac, une alimentation qui prévient la prise de poids et la pratique assidue d'activité physique. En matière de prévention primaire, de telles modifications du mode de vie sont beaucoup plus efficaces qu'une médication destinée à contrer l'élévation des taux de cholestérol. »
Précisant qu'il n'est pas contre l'usage des statines et qu'il en prescrit à certains de ses patients, Martin Juneau espère que les résultats de cette méta-analyse inciteront l'État québécois à revoir les stratégies en matière de prévention primaire des maladies cardiovasculaires.
« Une infime portion des 2 milliards $ provenant des fonds publics engloutis chaque année dans les thérapies aux statines permettrait d'aider davantage de personnes à modifier leur mode de vie », juge-t-il.
Des exemples?
« Il serait préférable de faire appel aux diététistes, aux kinésiologues et à divers programmes visant à favoriser un mode de vie plus sain, plutôt que de s'en remettre seulement à la pharmacologie, pour prévenir ces maladies », conclut le cardiologue.
Au Québec, on estime que 80 % des prescriptions de statines visent à prévenir les maladies du coeur chez des personnes à risque n'ayant pas souffert de maladie cardiovasculaire. |
Pierre Lefrançois - PasseportSanté.net
1. Ray KK, Seshasai SR, et al. Statins and all-cause mortality in high-risk primary prevention: a meta-analysis of 11 randomized controlled trials involving 65,229 participants. Arch Intern Med. 2010 Jun 28;170(12):1024-31.