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Nucléaire : les infractions d'EDF au droit du travail

Pour l'autorité de contrôle, les conditions faites aux agents et aux sous-traitants sont préjudiciables à la sûreté.

Par Rémi Barroux

Publié le 25 juillet 2012 à 16h32, modifié le 26 juillet 2012 à 07h54

Temps de Lecture 3 min.

Intervention sur un générateur de vapeur de la centrale nucléaire en cours de démantèlement  de Chooz A, dans les Ardennes, en mai.

Après dix-huit jours de grève sur le site de la centrale nucléaire de Cruas-Meysse (Ardèche), les salariés de l'entreprise sous-traitante Essor ont obtenu, mardi 23 juillet, un renouvellement de leur contrat pour une durée de dix-huit mois, à partir du 1er janvier 2013. Leur combat illustre, pour la CGT, les conditions de travail pénibles des personnels de la sous-traitance, indispensables au fonctionnement du parc nucléaire.

Les 150 salariés de cette filiale du groupe Vinci travaillent dans les secteurs de la maintenance et du nettoyage-décontamination, sur le site de cette centrale qui emploie 1 245 agents EDF et quelque 1 000 personnels extérieurs en période de travaux. Reçus mardi par la ministre de l'écologie, Delphine Batho, les salariés d'Essor ont réclamé "l'élaboration d'un texte contraignant" leur garantissant de meilleures conditions sociales.

Les personnels des entreprises sous-traitantes ne sont pas les seuls à connaître des conditions de travail difficiles. L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) s'est intéressée au temps de travail des agents d'EDF. Dans une récente note adressée à la direction de la Division production nucléaire d'EDF, elle a relevé de nombreuses "infractions".

"DES DÉPASSEMENTS DES DURÉES RÉGLEMENTAIRES DU TRAVAIL"

"Sur l'ensemble du parc en exploitation", l'ASN pointe "des dépassements, parfois extrêmement importants, des limites des différentes durées réglementaires du travail, et des insuffisances de repos caractérisées". Ce ne sont pas seulement des questions d'organisation, "mais aussi de santé et de sécurité", écrit-elle. Ses inspecteurs ont verbalisé plusieurs dépassements et dissimulations d'horaires, des "falsifications", des non-respects des temps de travail dans une douzaine de centrales.

L'ASN souligne que ce dépassement d'horaires n'augmente pas la productivité, mais "pourrait par contre porter atteinte à la sûreté des installations". Et de citer l'exemple de l'accident de la navette américaine Challenger en 1986 : "Le rapport sur les causes de l'explosion, rappelle-t-elle, indique que les heures excessives de travail avaient été à l'origine d'une perturbation des performances et d'erreurs décisives de jugement lors de situations critiques."

Pour Thomas Houdré, chef de la direction des centrales nucléaires à l'ASN, "des dépassements horaires importants peuvent avoir un impact sur la vigilance des salariés et, in fine, des effets négatifs sur la sûreté des installations".

RECOURS MASSIF À LA SOUS-TRAITANCE

La direction d'EDF, de son côté, relativise les problèmes. "Nous avons des personnels extrêmement impliqués qui ne comptent pas leurs heures, notamment lors des arrêts de tranche, arrivant tôt et repartant tard", avance Dominique Minière, directeur du parc nucléaire. Il affirme aussi que les horaires de présence indiqués par les systèmes de contrôle ne correspondent pas toujours à des heures travaillées. Un argument peu crédible selon M. Houdré. "Si quelqu'un arrive à sept heures du matin, dit-il, il est peu probable que ce soit pour passer deux heures à la cafétéria." L'ASN reproche à EDF de ne pas disposer d'un système de contrôle efficace des heures de travail de ses salariés, en particulier de ses cadres.

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L'autorité de contrôle s'interroge aussi sur les rapports de l'entreprise publique avec ses sous-traitants. Dans un rapport transmis à la direction d'EDF le 26 juin, elle relève des manquements qui ont "un effet sur les conditions de travail, la sûreté, la qualité et l'application des lois sociales". EDF, qui compte 23 000 agents sur les sites nucléaires, fait aussi appel à 20 000 salariés extérieurs. Pour l'ASN, ce recours massif à la sous-traitance a entraîné une perte de compétences dans certains métiers.

"DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES ET DU PROFESSIONNALISME"

Le dossier de la sous-traitance est ouvert depuis plusieurs années, assure l'électricien. "Il y a eu des pertes de compétences dans le passé et cela a entamé notre maîtrise de ce qui se passe sur un site, reconnaît M. Minière. Je rejoins la CGT sur ce point". EDF a dû ainsi, indique-t-il, embaucher 200 robinetiers, métier qui avait disparu au sein de ses propres effectifs. Pour autant, ajoute-t-il, le recours à la sous-traitance reste inévitable : " Il y a des pics dans l'activité qui imposent de faire appel à des entreprises extérieures. Et qui est mieux placé pour entretenir une installation que celui qui l'a conçue et montée pour nous ?"

Un groupe de travail, codirigé par EDF et la CGT, va rendre prochainement au gouvernement les conclusions de ses travaux sur ce dossier. Ce document, que Le Monde a pu consulter, insiste sur le renforcement de la protection sanitaire et sociale des salariés de la sous-traitance, et sur le "développement des compétences et du professionnalisme des intervenants". Il demande aussi "l'interdiction du recours à l'intérim pour des postes d'encadrement ou liés à la sécurité". Avec un objectif : réduire les risques sur les sites nucléaires pour tous les salariés, agents d'EDF ou sous-traitants.

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